mardi 29 septembre 2020

L'année où tout a explosé

« On fait quoi maintenant ? Je fais quoi, moi, avec tous ces changements, toutes ces questions, tous ces chamboulements ? » Je me souviens m’être assise sur un banc au beau milieu d’un trottoir avec vue sur un mur blanc. Sur le mur blanc était marqué « laisse parler les mots » - j’avais marché une centaine de mètres la tête pleine de cris et de larmes.

Deux mille vingt, l’année des drames, des changements. J’ai passé deux mille dix-neuf comme un éclair, dans un rythme effréné d’un boulot que j’adorais, oscillant entre 60 heures de passion et le reste en essayant de caler tant bien que mal (et plutôt mal je dois l’avouer) ma vie perso. Priorisant chaque instant mes ambitions pro, quitte parfois à m’en oublier un peu. Aucun équilibre mais un sentiment d’accomplir enfin quelque chose de beau. Tu m’en diras tant… J’ai donc passé deux mille dix-neuf sur les chapeaux de roue en me disant qu’un peu de répit m’attendrait par la suite. Mon dernier trimestre a été joliment accompagné, et j’étais optimiste sur l’année à suivre.

Et le sable est venu gripper le rouage.

Schéma classique - Covid, crise sanitaire mondiale, quand ton poste se résume à faire rêver les gens afin qu’ils traversent la planète pour dormir chez toi… fatalement, la fermeture des frontières de tous les pays fait un peu bugger le système. S’en suivent la fermeture de établissements, le confinement et la prise de conscience. Le jour de ma reprise de boulot j’ai décidé qu’il fallait que je rentre, il fallait que je parte, ne pouvant plus passer le plus clair de mon temps dans un établissement où je ne recevais aucune reconnaissance depuis deux ans où je fus usée jusqu’à la corde, toujours un pied au bord du vide, toujours à la limite du craquage émotionnel, jamais très loin de la rupture… Il fallait que je plaque tout ça pour revenir aux bases - impossible alors de rester à Maurice, impossible de chercher autre chose dans ces conditions. J’ai défait méticuleusement ce que j’ai mis quatre ans à construire. J’ai foutu dans cinq valises la quasi intégralité de ma vie - j’ai fait mes adieux au soleil - mes adieux à mes potes, ma famille amicale (on va pas se mentir, ces derniers moments à leurs côtés furent un crève coeur de tous les instants). Et j’ai repris l’avion en juillet. 

Tout est allé très vite, forte d’un bagage pro conséquent (faut bien que ça paye à un moment tous ces sacrifices) et d’une motivation extrême j’ai décroché un super CDI dans une start-up de la food tech. Une mission pleine de sens, l’envie d’en découdre, de faire mes preuves, encore, me donner confiance en moi, décrocher les étoiles. J’ai commencé fin août - tout va bien. 

Mais alors, qu’est-ce que je fais assise sur ce banc ? Toutes ces questions qui enflent ma tête… « On fait quoi maintenant ? » On fait quoi bordel ? Quand tout va bien et que d’un coup, d’un seul, on t’annonce que ton père va mourir ? Quand on passe d’un paradigme à l’autre, quand la question n’est plus « qu’est-ce que je vais faire si tu meurs ? » à « qu’est-ce que je vais faire quand tu vas mourir ? » 

La bombe est lâchée - en réalité je suis un peu revenue de Maurice pour ça - je l’ai pas mentionné avant, mais oui, pendant le confinement, en plus du stress de la solitude, en plus de la remise en question du sens de ma vie professionnelle, en plus du ras-le-bol d’être corvéable à merci sans merci… J’ai appris que mon père souffrait d’un mal non identifié. Vous savez, de ces maux qui font courir les médecins et sur lesquels personne ne met de mots - ces douleurs qu’on fait passer pour autre chose, ces symptômes qui ne sont pas assez sérieux pour inquiéter les foules mais un peu trop pour laisser indifférent. Et puis on a trouvé. 

Moi j’en suis encore au stade de la colère sourde, l’immense aigreur, l’envie de vomir permanente pour ne pas avaler le diagnostique. 

Il y a cette phrase dans ma tête en boucle « ton père va mourir, il va mourir, tu m’entends ? Qu’est-ce que tu fais ? Tu m’entends ? Pourquoi tu bouges pas ? Tu m’entends ? Il va mourir, un jour, comme ça, tu sais pas quand, mais bientôt ; maintenant que tu sais ça, tu fais quoi ? »

Alors c’est ça la vie ? Tout prend une dimension autre - les embrouilles enchaînées depuis mon retour, les histoires de tunes, de virus, les bobos quotidiens.. Je suis rentrée dans une sorte de temporalité parallèle, un monde hors du monde où mes pas sont cotonneux, ma vision brouillée par la peur et la confusion. 
Je fais quoi maintenant ? Avec cette info qui m’écoeure ? Avec ces mots d’adulte - incurable, incurable, incurable -, je fais quoi avec ces cordes nouées autour de mes poignets ? Je fais quoi maintenant ? Pour garder la tête haute, pour soutenir, pour soulever des montagnes quand le seul repère fixe et stable de ma vie est en train de foutre le camp ? Je fais quoi maintenant ? Quand mon unique invariable devient bancale ?

J’ai eu envie d’hurler - j’ai pas les mots, j’ai pas les mots - j’ai eu envie de tout quitter, de me boucher les oreilles si fort pour ne plus rien subir du brouhaha ambiant. 

Et qu’on ne vienne pas me parler des autres, des situations similaires, des « j’en connais qui »… Je ne suis pas prête à l’entendre, je ne suis pas prête à l’accepter, je ne suis pas prête parce que ce n’est pas humain pour moi, ce n’est pas acceptable. 

Et tant que je ferme les yeux, s’il vous plait, ne me bousculez pas, ne me touchez pas, « ne me secouez pas, je suis pleine de larmes ».



jeudi 15 août 2019

L’art et la matière


Hello

Je ne parle pas très souvent ici de ce que je fais comme métier à l’île Maurice depuis plus d’un an maintenant ; responsable de la communication du 20 Degrés Sud, boutique-hotel 5 étoiles, unique Relais & Châteaux du nord de ce petit paradis, il m’est donné de vivre, parfois, d’extraordinaires aventures. 
Entre quelques excursions, quelques cocktails avec les clients, beaucoup d’heures passées à planifier, organiser, prévoir, faire de la stratégie, développer, me tirer les cheveux… Entre les quelques heures de sommeil, les nombreuses minutes à me ronger les sangs pour que tout se passe tout le temps parfaitement… Entre deux lignes excel, trois carnets noircis d’encre… Je vis des expériences incroyables.

C’est la force de Relais & Châteaux, une association que je ne connaissais que de nom mais dont les valeurs sont celles que je me fais de l’hospitalité, en tout point : la transmission de la culture et de la passion, la courtoisie à toute épreuve, le charme des bâtisses, la gastronomie poussée à son excellence (notamment française) et le calme des petites structures, le calme comparable au luxe, et sans citer Baudelaire à outrance : « Luxe, Calme et Volupté » peut résumer l’environnement dans lequel j’évolue maintenant. 
Boeuf Wagyu Déclinaison de carottes, Ris-de-veau

C’est ainsi que début août j’ai pu vivre mes plus belles escapades grâce à la venue d’une journaliste / photographe/ responsable com (une slasheuse/artiste/extraordinaire-personne) de la délégation R&C Afrique. Programme taillé sur mesure pour lui faire découvrir les richesses d’une île qui m’est encore trop inconnue : visite des trésors du nord, Port Louis culinaire, les routes de l’est, un partage de culture du côté de Mahébourg dont je vous reparlerai, rosé au coucher du soleil à bord de la Péniche traditionnelle de l’hôtel… Et une soirée d’exception : un menu à quatre mains entre le Chef Sanjeev Purahoo et Farrel Hirsch, la rencontre entre Cap Town et l'île Maurice. C’est de cette soirée dont j’ai envie de vous parler aujourd’hui.

Chef Sanjeev Purahoo et la mise en place des carottes

D’un côté Sanjeev Purahoo, le chef renommé de « mon » établissement, plus d’une dizaine d’années de maison, une formation autour du monde, une cuisine fusion entre l’Asie, l’Europe méditerranéenne et l’île Maurice. Je dois l’avouer j’ai rarement aussi bien mangé qu’à la table de Sanjeev, tout ce qui passe sous ses doigts est transformé en or comestible, le simple gnocchi est une bombe de saveurs, il a l’art de transformer les classiques, d’y ajouter sa touche maison, sa passion indéniable, sa créativité sans limite.

Chef Farrel Hirsch 

De l’autre côté Farrel Hirsch, tout droit venu du restaurant Greenhouse hébergé par The Cellars-Hohenort Hotel, un Relais & Châteaux de Cape Town ; personnage aux airs de savant fou dont la cuisine épate les palais "capetowniens", son truc c’est la déstructuration, le mélange des matières, retrouver les traceurs et les saveurs des plats iconiques sud-africains (entre autres) sous une autre forme, plus complexe. Sa cuisine c’est du spectacle millimétré, c’est un jeu de textures, de couleurs, c’est la magie dans l’assiette, le feu d’artifice en bouche. 

Autant vous dire qu’un menu à quatre mains entre ces deux chefs c’était l’explosion assurée ! Et rajoutez à cela un accord mets-vins… Une sacrée promesse.

2 entrées : Sashimi fumé et Braai Vis, un plat d’Afrique du Sud composé d’Abadèche du Cap, de coquille Saint Jacques, de quinoa rouge (entre autres)..
2 plats : Seafood Potje, une potée de la mer revisitée au yuzun fenouil, croquant océan ; Tshisanyama Waguy : une pièce de boeuf Wagyu, des riz-de-veau fris, une déclinaison de carottes et une sauce au vin hallucinante. 
1 dessert par notre chef pâtissier : palet au chocolat, praliné, crémeux citron, biscuit fondant et crème glacée noisette. 

J’ai pu gouter chacun des plats mais pas le dessert pour cause d’allergie, et associer les vins lors de la phase de test et d’explication qui s’est déroulée l’après-midi au restaurant l’Explorateur. Je n’ai pas été déçue, chacune des assiettes est millimétrée par les chefs Farrel et Sanjeev, j’y ai tout de même plus senti la patte Sud Africaine que celle de mon chef, il s’agit tout d’abord de ses recettes, il est venu les partager avec nous et avec Sanjeev. Forcément ça change un peu de la carte habituelle ! Le boeuf Wagyu a été l'une de mes découvertes préférée, accompagné d'une purée noix de cajou carottes dont les goûts inédits m'ont renversée. 
J'ai adoré voir entrer en scène le Farrel et ses plats, voir le ballet des assiettes, des sauces, de la neige carbonique... Et également voir dans les yeux de nos cuisiniers, sous chefs et commis de l'admiration et la soif d'apprendre et de partager une expérience unique.


Montage des assiettes à quatre mains
En soirée ça s’active en cuisine et telle une petite souris j’ai pu suivre de près tout le déroulement, du calme début de service au coup de feu palpitant de l’enchainement des commandes. Un spectacle d’artiste qui se joue sur les pianos bouillants et dans les marmites frémissantes. Quatre mains qui s’affairent à dresser des oeuvres d’art, et une armée qui s’active pour transformer de « simples » légumes en sauces et ragoûts plus savoureux les uns que les autres. 

Retour en images sur ce moment de générosité, de partage et de fusion entre l’Afrique du Sud et l’île Maurice. 

Un voyage délicieux.





Bientôt je vous raconterai un nouveau moment de partage et d'émotion, l'une des plus jolies journées qui m'ait été donnée de vivre depuis 3 ans... Ca parlera de gastronomie, de générosité, de caris, et de belles rencontres.
A bientôt !


vendredi 17 mai 2019

Il y a encore tant de combats

Il y a encore tant de combats. 
C'est la phrase qui m'est venue à l'esprit ce matin, 17 mai, Journée Mondiale contre l'Homophobie et la Transphobie, à l'aube du Pride Month, des défilés, des mises en lumière d'une lutte quotidienne LGBT + (nous n'allons pas débattre de pourquoi nous célébrons, pourquoi faire un événement spécial, pourquoi si "vous ne voulez pas être différenciés alors que vous vous différenciez tous seuls", si, si, si...) 
Justement. Un combat pour être reconnus comme des individus comme les autres, parce que la communauté n'a pas de droits comme les hétéro-normaux. Dans une société tellement ignorante, dans une société qui n'avance que très peu (ou qui recule parfois..). Et je ne parle pas de mon pays d'accueil particulièrement, je peux aussi parler de ma tendre France, pas si tendre en ce moment. J'ai eu envie de réagir à tous les commentaires haineux, ou qui cachent leur haine derrière des blagues plus ou moins douteuses, qui ont été postés sous la photo de Coca-cola aujourd'hui sur Facebook. Révulsée derrière mon écran. 


Paris Le Marais, des passages souvent taggués
Aimer les gens et non pas le genre, aimer le sourire, le rire, les larmes, les personnalités, les ambiguïtés, les différences, l’individualité. Cela fera toujours partie de ce que je suis, du tout début jusqu’au jour où mon coeur s’arrêtera de battre. 
Être bi-queer (s’il faut qu’il y ait une case) est une longue traversée de doutes, de chemins, de questions qui parfois n’auront aucune réponse, c’est un parcours, un courage aussi. Je n’ai pas choisi d’être ainsi, je ne me suis pas levée un matin en me disant « tiens je vais aimer les meufs maintenant » non, ce n’est pas un choix d’aller avec un homme, de s’accrocher à une femme. C’est au-delà de la connaissance même, aucun gène, aucune science ne peut définir ce qui fait l’amour, ce qui crée l’essence même de ce qui fait la vie. 
Ce n’est pas un choix mais c’est un lot de conséquences : le regard des gens, les réflexions anodines, les traits d’humour qui cachent tant d’ignorance et parfois tant d’homophobie. 



A combien de postes me verrai-je être refusée ? Combien de détours vais-je devoir emprunter pour ne pas dire, pour cacher car je sais que mon interlocuteur se fermera, ou sera beaucoup trop curieux, à quel hétéro dit-on "Qui c'est qui fait l'homme ?" ? Quelle curiosité anodine cachera une incompréhension voir un rejet complet de ce que je suis ? A combien de blagues je vais encore devoir faire semblant de rire ? Combien de réflexions vais-je encore devoir affronter lorsqu'en entendant le mot "pédé" je me mettrai en colère ? Combien d'insultes, combien de "sales gouine", combien de "tu serais vachement mieux avec un mec", combien de "c'est comment avec une fille",  combien de "et tes parents ils ont dit quoi" ? Et combien de fois la personne avec qui je serai entendra "t'as pas peur qu'elle se barre avec une meuf / un mec ?" combien de remises en question subira cette personne et combien de fois devrai-je prouver que mon orientation sexuelle n'a rien à voir avec ma stabilité ?



D'entendre des "ta vie va être si compliquée, pourquoi rajouter ça?", oui c'est un fait, mais cela ne devrait pas être un rajout de peine, parce que je le sais, toute ma vie je me poserai à moi-même ces questions, mais je ne suis pas certaine qu'une personne qui aime une personne du sexe opposé ne se pose pas autant de questions.

Mais j’ai de la chance, j’ai de la chance d’être entourée de la meilleure famille qui soit, d’avoir des exemples proches de moi, d’avoir l’indulgence et le respect autour de moi. J'ai de la chance de pouvoir en parler librement, de ne pas (trop) souffrir des regards, des préjugés, j'ai de la chance que cela soit accepté.

Ça aide. Tout le monde ne peut pas en dire autant. Alors il faut continuer à se battre. -

mardi 30 avril 2019

Restaurez-vous #6 : First Lap Paris, un premier tour convaincant !

Hello !

Un peu plus d'un mois après mon voyage à Paris il est temps de vous partager mes coups de coeurs, première escale au coeur de South Pigalle.

First Lap c'est d'abord l'histoire de 3 potes passionnés de gastronomie, de bons produits et du manger-bon. Chacun a un parcours différent, l'un a fait des études de droits mais a décidé qu'une bavette trop blanche ne valait pas son homonyme bien saignante, un autre a fait de la com et du commerce avant de trancher dans le gras et d'intégrer Ferrandi (une grande école de cuisine parisienne), et le dernier s'est découvert une passion pour la restauration lors d'un voyage en terres australes.

First Lap - 7 rue Manuel, 75009 Paris

First Lap c'est le premier tour d'une (nous l'espérons) longue série de petits boui-bouis comme on les aime : décor sobre, carte minimaliste, musique chouette, bon coup de fourchette. Mais alors c'est où ? 7 rue Manuel, dans le 9e arrondissement de la capitale, une rue perpendiculaire à la rue des Martyrs, SoPi ! Cuisine européenne, saveurs de saison, inspirations mondiales : une proposition contemporaine de plats familiaux plutôt alléchante... Il fallait tester !

L'accueil est d'abord débordant d'énergie, on aperçoit le chef dans sa cuisine au fond du restaurant tout en longueur, on se tutoie, ici c'est amical, sans prise de tête, l'équipe est jeune, souriante, premier impression réussie. La salle peut recevoir, il m'a semblé, une vingtaine de couverts sur deux rangées bordées de banquettes, le bois est omniprésent dans restaurant, j'apprendrai plus tard qu'en plus d'être amicale l'aventure est aussi familiale car l'oncle d'un des associés s'est chargé de l'architecture intérieure !

La carte est présentée sur ardoise, 2 entrées, 4 plats, 3 desserts, courte et efficace, elle promet des plats frais et faits maison. Nous sommes 5 à table et ne savons que choisir malgré le choix restreint, tout à l'air bon et le parfum qui se dégage de la cuisine ouverte nous met l'eau à la bouche !  Finalement tout le monde opte pour un velouté de brocolis en entrée, 4 magrets de canard en plat et un dos de lieu noir polenta (oui parce que cliente chiante oblige j'ai switché mon accompagnement !).. Pour le dessert on teste tout !

Carte réduite et produits frais !
La carte des boissons est plus fournie que le tableau noir, on y découvre vins bios et bières originales, quelques cocktails classiques et une flopée de whiskys pour connaisseurs. C'est abordable alors pas de chichi : une bouteille de blanc bio dont je ne me souviens plus le nom, une pale ale des Brasseurs du Grand Paris, une Lager des Étoiles de la Brasserie Pleine Lune, un Laphroaig Single Malt et un cocktail un peu fancy, servis express, avec un immense sourire, par le serveur/barman/associé (celui qui voulait être avocat au début de l'histoire).

Les entrées arrivent, de grands-gros bols de veloutés, parfait pour un mois de mars un peu frisquet - pour rappel, en dehors des 25°C de l'île Maurice tout me parait glacial - c'est super bon ! Copieux, doux, bien assaisonné, convaincant. Cette quantité et cette qualité pour 5€90 c'est carrément honnête. On en reprendrait bien une louche !

Au tour des plats, qui arrivent assez rapidement, le temps de changer de playlist et ambiancer un peu la salle (j'avoue, nous n'étions pas nombreux...). Magrets de Canard à la cuisson parfaite, dos de Lieu Noir sauce hollandaise encore nacré, le tout accompagné de pavés de polenta (dont on se fera le défi de tous les finir) ; c'est joliment présenté même si ça manque encore un peu d'élégance dans l'assiette, mais après tout nous ne sommes pas à Top Chef, le plat raconte une histoire, c'est gourmand-croquant, ça nous suffit largement ! Le verdict est unanime autour de la table, c'est bon, on en veut encore !!!
Magret de Canard, Polenta, Pale Ale L'Express

D'ailleurs ça tombe bien, on nous promet des desserts à tomber, supplément caramel pour la tarte aux pommes, beaucoup de cannelle dans la semoule au lait (on mixe et remixe la carte selon nos envies, mais ça c'est parce qu'on est VIP ;) ), on partage tout, les cuillères valsent sur la table, les verres se remplissent de digestifs, une tisane pour mamie, les rires fusent, bref on passe une très bonne soirée dans ce petit coin du 9e. L'addition n'est pas salée, le rapport qualité/prix donc franchement convenable, on mange bien et en quantité rassasiante : un super deal.

La tarte aux pommes et à la cannelle : bombe
First Lap c'est donc une petite pépite, ouverte au début de l'hiver dernier. La carte change tous les mois selon arrivage et saisonnalité des produits, les garçons à la tête de l'établissement sont accueillants, chaleureux, véritablement toqués de cuisine. A savoir que des soirées spéciales sont organisées de temps à autre, tenez-vous informés de leurs actualités sur Facebook et Instagram ! Ah oui, est ils proposent leurs plats à emporter et également en livraison... LE bon plan quand on a la flemme et que l'on veut tout de même très bien manger !

Bref, filez chez First Lap et régalez-vous !


vendredi 5 avril 2019

Lettre à mon corps : accepter son corps et ses complexes.

Hello

Voilà un article qui m'a pris beaucoup de temps... Deux ans en réalité, tout part du projet de amie Louise : "l'être à mon corps", elle m'a proposée d'écrire (donc) une lettre à mon corps.. Ce corps à accepter c'est un long travail, un effort de confiance, de guerre contre soi-même.

Le projet et ses objectifs : 
- Permettre à des personnes de participer à un projet thérapeutique et artistique en leur proposant une place pour s'exprimer et pour partager sur leur corps
- Donner et rendre visible la parole de tout le monde afin de contribuer à la reconnaissance de tous les corps notamment de ceux qui sont aujourd’hui « invisibles »
- Créer un mouvement lié à la richesse des corps

J'en parle souvent avec des amis, de ces complexes qui peuvent gâcher une vie... Je connais très peu de femmes (et d'hommes) qui s'assument entièrement, et le regard des autres y est pour beaucoup.

Crédit : François Capdeville

Tous mes complexes sont nés d'harcèlement moral au collège quand on me crachait des insultes au visage, où on balançait des mots avec écrit "Charlotte est trop moche" à travers les salles de classe. Il m'a fallu des années pour avaler le surnom de "Cheumcheum" qu'on me filait alors.

Des années d'écriture, d'extériorisation. Je crois que j'ai pris conscience que tout ça c'était des bêtises à l'âge de 21 ans : beaucoup de bienveillance fraternelle, beaucoup de mots qui rassurent de la part de proches.. Tous les complexes ne sont pas perçus de la même manière par certains, et me trouver "trop grosse" parait indécent au regard d'amis à qui je peux en parler.  Tout ça à cause d'un esprit familial un peu trop porté sur le poids des gens...

Je ne vais pas étaler ici ce qui m'a amenée à tant de complexes, mais une chose est sûre :
Nous sommes toutes différent-e-s et nous avons chacun-e-s nos défauts, nos hantises, nos parties du corps que l'on n'accepte pas. Aucun complexe n'est à minimiser, aucun complexe n'est risible.
Alors je choisis les photos que je publie, je pose toujours méticuleusement de manière à ce que ce que je n'aime pas ne paraisse pas, je surmonte peu à peu les idées que je me suis mises en tête. Je me rassure en voyant maintenant dans la presse et sur internet fleurir des mannequins "normales", avec des vergetures, de la cellulite, des seins pas trop ronds, des cicatrices, je suis admirative devant certains bloggeuses dont mon amie Juliette qui essayent de s'assumer parfaitement et publiquement.

J'ai fait plein de trucs pour accepter mon corps aux différents stades de ma vie, j'ai posé pour un ami photographe talentueux et je me suis sentie belle, j'ai fait du sport alors que je déteste ça pour voir se dessiner un peu plus de muscles, j'ai appris à m'habiller, j'ai appris à sourire. Parce qu'il faut parfois savoir se faire des compliments et accepter ceux qu'on nous fait.. Parce que le bonheur commence souvent par être bien avec soi.

Crédit : François Capdeville

Crédit : François Capdeville

Aujourd'hui j'ai un peu plus confiance en moi, et j'ai pris conscience de mes atouts, et s'il reste du travail à faire, voici ma lettre à mon corps :

« T’es moche, t’es grosse, et tu te fous des claques un jour sur deux quand ton poids s’affiche sur la balance. »

Et pourtant, pourtant qu’est-ce que t’es belle quand tu souris, tu brilles, "on s’envolerait" t’avait dit un jour un vieux au coin d’une rue.. "Mademoiselle, ce sourire, il donne des ailes." Comme un coup de poing porté au milieu de l’estomac.. Alors devant ton miroir tu montres tes dents, et tu essayes d’avoir confiance malgré tout, tu essayes je te jure, et ce n'est pas simple tous les jours.
Ça demande bien du courage, assumer des années d’insultes et des années à te couvrir de honte, jamais comme il faut, toujours un défaut.
Bien sûr t’as tes complexes : trop de hanches, pas assez de cul, et ce ventre qui, bien qu’il soit plat parfois, te hante.
Avec les années tu as appris, tu t’es dit que finalement si des regards se posent sur toi c’est que tu plais quand même à des gens.. Alors tu as commencé à te plaire à toi même, à te trouver jolie devant ton reflet dans les vitres, à ne plus t’éviter, à te regarder en photo et savoir te mettre en valeur.

Alors ces soirs où tout est beau tu noues ton foulard rouge dans tes cheveux, tu bordes tes yeux de noir et d’or, et soulignes tes joues d’un rire précieux. Il t’en a fallu des moments de doutes, des heures de larmes pour les kilos que tu ne perds pas ou ceux qui sont revenus au galop en même temps que le bonheur de vivre. Dix de perdus cinq de retrouvés, comme quoi l’adage s’applique comme bon lui semble. 

Mais t’es belle, avec tes formes là où il faut, ton regard qui déborde d’émotions, tout se lit sur ton visage, et sous le mascara, les cicatrices des sanglots, des lustres passés à te détester. Ta confiance n’est toujours pas au rendez-vous, alors quand il te prend par la main tu te ressources de tout, quand il te dit que tu es parfaite tu essayes d’y croire, promis un jour tu y arriveras. 
En attendant tu assumes, en attendant tu t’aimes un peu plus qu’hier, en attendant tu rayonnes, c’est ça qui compte. Pas ton désastre intérieur. 




Vous êtes ce qu'il y a de plus beau pour vous-même.