jeudi 5 novembre 2015

#NonAuHarcèlement : moi aussi j'ai vécu ça.

- Cet article ne sera sûrement pas le plus gai, le mieux écrit, mais il est important - 

Toute la journée j’ai entendu des témoignages, lu des textes… à la radio, à la télévision, sur des blogs. Je me suis demandé si j’allais moi aussi témoigner, j’ai hésité, j’ai tâtonné.  Puis finalement, si ce n’est pas aujourd’hui que j’écris cet article, quand vais-je le faire?

On ne dirait pas comme ça, que ma vie scolaire fut un enfer

#NonAuHarcèlement, un hashtag, une journée dédiée au harcèlement scolaire, une journée enfin, peut-être, qui fera réagir les gens. 
Tous ces coups passés sous silence, ces plaintes qu’on appelle mensonge ou exagération…

À force, j’ai pensé que c’était de ma faute, que j’avais toujours fait quelque chose de mal sans vraiment savoir quoi, sans vraiment savoir que changer pour que ça cesse. 
Après coup, je me dis que j’ai de la chance, que j’aurais pu craquer, claquer, que j’aurais pu tout lâcher, finalement, à bac + 5, sans trop de difficultés… Oui, j’ai de la chance.

Ça a commencé doucement au collège, en sixième, plus petite que tout le monde, plus maigrelette, ça devait être ça le problème. J’avais peur de me perdre dans cette immense nouvelle école, et je m’étais accrochée à une copine de primaire… Qui a voulu se faire d’autres amis. Oui, c’est là que ça a mal tourné, elle s’est détachée de moi, et en m’accrochant j’importunais les autres. D’abord les insultes, les mots durs, puis les coups, de coudes, de pieds, pire: de tête. Là, en plein milieu de la cour, un coup de tête parce que j’avais osé répondre un « abruti » à un « sale naine ». Oui, c’est ça, j’ai répondu une fois. Et je me suis effondrée sous le poids d’un crâne, sous le poids de tout, en fait. 

J’ai commencé à ne plus aller à l’école, à hurler, pleurer, prier tous les saints pour qu’on ne m’envoie pas en cours, j’ai été malade…
A l’époque j’en ai parlé à mes parents, qui en ont parlé à la direction du collège où j’étais, mais au lieu de régler les soucis, tout s’est envenimé, j’étais devenue « la balance », alors à l’abris des regards, tout continuait. 
«T’as pas de seins donc t’es pas une adolescente», «te prend pas pour une grande la naine», «t’es moche»,  «petite bourge», «t'as pas d'amis», «chouchoute» (ah oui, parce qu'il y a eu professeur qui a pris ma défense..), «petite, petite, petite...»
Et puis mon cartable dans le caniveau… 

Cela a duré 2 ans et demi, de la sixième au milieu de la 4e. Et il a fallu que MOI, je change de collège, eux n’ont pas été renvoyés, les porteurs de coup n’ont écopé de rien, même pas une remarque. 

Puis j’ai déménagé. Nouvelle arrivée dans une nouvelle ville, sur la défensive, à fleur de peau, je ne savais pas vraiment comment me faire des amis, ni vraiment comment me comporter. 
J’ai trouvé des gens sympas, mais j’étais la Parisienne en province, le calme n’allait pas durer.

J’ai pris un car, pour aller en Espagne, un séjour scolaire… Tout à mal tourné à cause d’une phobie que j’ai, mauvaise première impression, et les moqueries ont recommencé. On m’abimait mes vêtements en mettant de la nourriture dessus, on me pointait du doigt en se moquant. Parce que j’avais osé pleurer, et faire une crise d’angoisse. Parce que j’ai montré des faiblesses. 
Cette dernière année et demie de collège n’a donc pas dénoté par rapport aux premières. 
J’avais même un nouveau surnom « cheumcheum » ou à l’envers « moche moche », ben oui, j’avais des lunettes, les dents pas très droites, j’étais petite, je n’avais pas de poitrine, et mes cheveux commençaient à crêper..

Alors bien sûr j’ai des défauts: je suis possessive, je peux paraitre hautaine quand je ne connais pas, et froide aussi parfois. Si je donne l’impression de tout savoir sur tout, et que je parle trop c’est que les silences me mettent mal à l’aise, alors je meuble. Je peux faire fille gâtée, sous les jupons de sa mère, fille à papa, mais ça j'assume, j'ai été couvée, et heureusement ! Sinon j'aurais craqué sous cette jalousie mal placée.
Si on passe pas au dessus de ces défauts de première impression, c’est sûr, je ne suis pas une fille bonne à aimer. 

Le problème, c’est qu’en entrant au lycée, j’ai trainé les connaissances du collège, et puis les rumeurs vont vite, vite qualifiée de peste, de fille « reloue », j’ai été isolée, moquée, jugée. 

Après j’ai compris, j’étais trop immature pour ces classes, née en fin d’année, un peu trop gamine pour mon âge.. Puis j’ai redoublé. 
Je pense que ça a été la meilleure chose qui me soit arrivé pendant ma scolarité, même si j’ai détesté, j’ai pleuré, j’ai supplié… Maintenant je m’en rends compte. Tout a changé à partir de cette année là. 
Une deuxième seconde, une deuxième chance de commencer le lycée du bon pied, avec des gens qui ne me connaissaient pas. Je me suis fait des amis, des ennemis bien sûr aussi, qui n’en n’a pas ? Mais on ne m’a plus insulté sans cesse, on ne s’est plus acharné contre moi, des gens ont regardé au dessus de ma carapace, des personnes ont fait l’effort de pousser plus loin que la première impression. Et j’ai tenu bon. J’ai pas lâché. 
J’ai eu mon bac, et le comble, c’est que je suis encore à l’école !

Mais quand on fait le compte:
Les insultes, les moqueries, les messes basses, les doigts pointés, les croches pieds, les crachats sur les chaussures, les bousculades, les rumeurs, le cyber-harcèlement... De gens qui ne s'en souviennent peut-être même pas, pour qui tu n'as été qu'un passage de nerfs, rien de plus... Victime des humeurs de chacun, sans explication, ni rien.
Ce n'est pas rien dans 4 années de collège et des années de lycée.  Ca a forgé mon caractère, je n'ai pas beaucoup d'amis, je n'en garde pas très longtemps, je suis méfiante de tout, j'ai du mal à aller en cours tous les jours en m'accrochant, parce que j'ai des restes d'angoisse. Je suis distante, je ne m'accroche pas, ou peu, et j'ai peur des autres, du mal qu'on pourrait dire de moi, de faire mauvaise impression, ce qui me rend maladroite...
Tous ces coups ont laissé une trace indélébile dans ma manière ne me comporter en société.

Mais quand je revois ces personnes qui m'ont fait du mal, je suis fière, fière de montrer que j'ai changé, que je me trouve jolie, que je ris, que je vis, que je ne suis plus une enfant mais une femme. Et quelle fierté de lire ce changement dans leurs regards.

Et tous les jours je me battrai pour que cela cesse, si je suis témoin, si je suis victime, je ne me tairai plus. Et si mes cousins, cousines, futurs neveux et nièces, mes enfants un jour, en sont victimes, je les protégerai, j'essayerai de le voir, de les faire parler, de les faire entendre.
Et à tout ceux qui ont été bourreaux: merci, car je ne serai sans doute pas allée aussi loin dans mes études avec autant de rage si vous n'aviez pas été là. Mais, j'espère que vous vous en voulez maintenant, et que cette journée vous aura fait réfléchir. Ce n'est pas normal de se comporter ainsi avec quelqu'un, qu'il soit moche, gros, petit, trop grand, différent. Ce n'est pas normal de se moquer, d'insulter, la limite est fine entre la taquinerie et la méchanceté.

Et puis bordel: tolérance, indulgence et respect d'autrui. 

2 commentaires:

  1. C'est courageux d'écrire tout cela, ça a du te faire du bien. J'imagine comme ce doit être de prendre ta revanche dans le regard de ces gens. Je suis désolée que cela ce soit si mal passé pour toi, heureusement que tu en es sortie plus forte...
    Le harcèlement scolaire, c'est tellement fréquent et tout le monde s'en fiche (je parle des parent.e.s et de la plupart des profs). Je ne sais pas pourquoi, est-ce que c'est toute une éducation, c'est aussi la puissance de le faire en groupe contre un.e "tout.e seul.e" certainement. On se sent plus fort.e alors on en profite. Je ne suis pas aussi tolérante que toi qui réussit à leur dire merci, j'espère vraiment qu'un jours ces personnes se prendront en pleine figure le mal qu'elles t'ont fait.

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  2. À la veille de ton anniversaire Chère Charlotte, je voulais te dire à quel point j'admire ton courage, ta pugnacité et surtout l'estime de toi qui t'ont fait grandir et aller au dessus de tous ces maux dont tu as souffert durant ces années.
    Oui tu peux être fière de toi, de ta réussite scolaire malgré cette phobie scolaire et cette autre phobie dont tu souffres encore.
    Et comme toujours .T.I.R.A

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